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Le neuvième art débarque à l’Unithèque

La rentrée est habituellement synonyme de nouveautés et une petite nouveauté vous attend dans le libre-accès du site Unithèque – petite, en regard des importantes transformations en lien avec l’extension et la rénovation du bâtiment qui se poursuivent en cette année 2024. Tandis que vous vous prélassiez sur une plage, plongé∙e dans les lignes d’un roman ou que vous bûchiez sur vos examens de septembre dans notre salle de lecture, nous travaillions à la mise en place d’un nouveau secteur lié aux collections académiques de littératures modernes et comparées : celui dédié à la bande dessinée. Le neuvième art a – enfin – été intronisé à l’Unithèque.

Ancrage local et académique

La bande dessinée n’était pas tout à fait absente des rayonnages de votre bibliothèque cantonale. D’une part, le site Riponne intègre la plupart des œuvres qui paraissent sur le marché éditorial francophone au sein de la collection grand public. D’autre part, études critiques et historiographiques et catalogues d’expositions font l’objet d’acquisitions ponctuelles depuis de nombreuses années. Il manquait cependant aux collections académiques du site Unithèque un fonds d’œuvres – bandes dessinées, albums et romans graphiques pour l’essentiel – pour accompagner et soutenir la communauté universitaire dans ses activités de recherche et d’enseignement sur cet objet.

Et elles sont florissantes et nombreuses, ces activités, probablement favorisées par le contexte local lausannois, particulièrement propice à l’étude de la bande dessinée. La Ville de Lausanne héberge le deuxième plus grand fonds patrimonial d’Europe dédié au neuvième art, riche de plus de 250’000 documents et constitué d’albums, de périodiques, de littérature secondaire et de planches originales. Les documents les plus anciens conservés dans le fonds du Centre BD datent de la première moitié du XIXe siècle. Aux côtés de la Fondation lausannoise pour le rayonnement de la BD, le Centre BD a pour missions, entre autres, de promouvoir et de mettre en valeur la bande dessinée. Une de ces réalisations majeures est le festival BDFIL, qui accueille plusieurs milliers de visiteurs·euses chaque année à Lausanne. La dix-huitième édition du festival, ayant pour thématique annuelle l’humour, a été organisée en avril 2024 sous la direction de Gaëlle Kovaliv et Léonore Porchet, toutes deux diplômées de l’Université de Lausanne (UNIL), ce qui n’est probablement pas un hasard. La première, tout en assumant la codirection du festival BDFIL, rédige une thèse de doctorat sur la bande dessinée numérique franco-belge.

Car la bande dessinée est enseignée régulièrement sur les bancs de la Faculté des lettres de l’UNIL et elle est au centre de plusieurs projets de recherche. Le dernier projet d’envergure, soutenu par le Fonds national suisse pour la recherche (FNS), portait sur la reconfiguration de la bande dessinée à l’ère du numérique. Objet multimodal et érigé en neuvième art, la bande dessinée – et ses genres apparentés (album illustré, roman graphique, manga, comic, etc.) – se prête idéalement au travail interdisciplinaire ; elle est étudiée principalement dans une perspective historique et littéraire par plusieurs chercheurs et chercheuses issu·e·s de disciplines différentes (sciences littéraires, cinéma, histoire de l’art, narratologie). Ces chercheurs et chercheuses sont fédéré·e·s depuis 2012 au sein d’une structure interfacultaire : le Groupe d’étude sur la bande dessinée (GrEBD).

Une collection sélective

Une des missions principales des Collections académiques de la BCUL, s’il est nécessaire de le rappeler, est de donner accès et de conserver les documents nécessaires aux enseignements et aux recherches menés à l’UNIL. La constitution d’un fonds de bandes dessinées, dans un tel contexte, relève d’une évidence. C’est un fonds relativement restreint, pour plusieurs raisons. Premièrement, il ne s’agit pas de doubler tous les documents déjà présents à proximité, que ce soit dans les magasins du site Riponne ou dans les collections municipales du Centre BD. Deuxièmement, les ressources logistiques et budgétaires allouées aux collections de littératures ne sont pas infinies et doivent couvrir de nombreux autres champs.

La sélection des albums s’est faite en concertation avec deux membres du bureau du Groupe d’étude sur la bande dessinée, les profs. Raphaël Baroni et Danielle Chaperon. Par conséquent, on n’y trouve pas – ou peu – de séries intégrales, mais un corpus choisi pour raconter une histoire culturelle du neuvième art, de ses origines suisses avec Rodolphe Töpffer au XIXe siècle à l’époque contemporaine marquée par le roman graphique et les œuvres nativement numériques. La part belle est faite à la bande dessinée franco-belge et ses classiques – de Tintin à Astérix – mais aussi à des œuvres étrangères moins connues, acquises en versions originales ainsi qu’en traductions françaises. Hugo Pratt côtoie ainsi Alison Bechdel et Chris Ware, Art Spiegelman, à proximité de Cosey ou Marjane Satrapi.

Avant le déménagement des collections du libre-accès vers l’extension du bâtiment Unithèque, vous pourrez retrouver la collection de bandes dessinées au niveau 3 (l’ancien étage des périodiques), à proximité de la collection de langue et littérature françaises, ainsi que sur Renouvaud.

Joëlle Légeret, Collections Académiques

Crédits image: © Ryan Deberardinis | Dreamstime.com