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Tour de danse (5/5) : Saint-Saëns, la danse entre poème symphonique et musique de film

Revenons à la musique classique pour ce dernier épisode de Tour de danse. A l’honneur cette fois Camille Saint-Saëns, à l’occasion des 100ans de sa disparition.

La musique peut accompagner une danse – classique, jazz ou rock -, nous l’avons vu dans les épisodes précédents. Mais elle peut également décrire et traduire musicalement des textes ou des images qui représentent une scène de danse.

C’est ce que Camille Saint-Saëns fait lorsqu’il met en musique, de manière très réussie, les vers d’un poème d’Henri Cazalis, Égalité-Fraternité, tiré des Heures sombres. Le thème principal : dans un cimetière, à la nuit tombée, les squelettes des morts, tirés de leur torpeur par le son d’un violon désaccordé joué par la Mort, se livrent à des danses jusqu’à l’aube.

De cette inspiration naît La Danse macabre de Saint-Saëns. A l’origine composée pour voix et piano (1872), elle est orchestrée par son compositeur pour en faire un poème symphonique (1874). Dans cette version, les instruments utilisés jouent un rôle bien défini. Ils deviennent des véritables acteurs. La harpe qui sonne les douze coups de minuit. Les violoncelles qui, avec les pizzicati, représentent les frappes du talon de la Mort qui réveillent les défunts. Le xylophone, encore jamais utilisé à l’époque dans un orchestre symphonique, qui représente le son des os des squelettes qui dansent. Les violons qui rappellent le vent d’hiver.

Le thème de la danse macabre avait déjà inspiré un autre musicien illustre : Franz Liszt. Son Totentanz, sous-titré Variations sur le « Dies Irae » (1849) pour piano et orchestre, avait été inspiré cette fois soit par des gravures sur bois soit par des fresques. Mais Saint-Saëns, contrairement à Liszt, en fait une composition pleine de vivacité, très dansante, ironique et captivante. Tout au long de sa Danse macabre, le compositeur choisit d’utiliser, de manière très appropriée, le tempo de la valse. Il donne ainsi à son poème symphonique une certaine luminosité indéniable.

Le choix d’utiliser un tempo de danse, cette fois le menuet, est également très réussi dans une autre composition moins connue du compositeur français. En 1908, les réalisateurs André Calmettes et Charles Le Bargy font appel à Camille Saint-Saëns, spécialiste en musique de ballet et de scène, pour signer la musique originale du film muet L’assassinat du Duc de Guise. De cette collaboration naît ainsi celle qu’on peut considérer comme la première musique de film de l’histoire.

Le film remémore un épisode historique célèbre : la journée du 23 décembre 1588. Ce jour, Henri Ier de Lorraine, duc de Guise, fut assassiné par son rival, le roi Henri III. A l’écran, dans la première scène, on voit la Marquise de Noirmoutier, l’amante du duc de Guise, dans ses salons. Comment souligner la haute condition de la femme et son insouciance du destin macabre de son amant ? Saint-Saëns décide de lui associer une danse galante et noble : il compose une sorte de menuet, la danse préférée de Louis XIV. La musique participe alors au récit, vient en appui de la narration et des sentiments et des pensées du personnage. Elle confère à la scène un pouvoir émotionnel qui atteint le spectateur. La fonction expressive, dramatique, lyrique ou symbolique de la musique devient dorénavant indissociable de l’image.

Camille Saint-Saëns, compositeur, professeur, pianiste, organiste, chef d’orchestre, critique, chroniqueur, poète, dramaturge et, à l’âge de 73 ans, compositeur de musique de film.

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