Connaissez-vous le stoïcisme contemporain ? Cette philosophie antique remise au goût du jour fait de nouveau parler d’elle. Plus encore, elle serait une bouée au milieu de la tempête.
Marc Aurèle (121-180), empereur romain et auteur des Pensées pour moi-même, est généralement considéré comme le dernier philosophe stoïcien. Et en effet, il n’y a plus, depuis la fin de l’Antiquité, d’école stoïcienne à proprement parler. Pourtant, la philosophie stoïcienne perdure dans le temps, sous la forme de principes et de pratiques traversant les siècles et influençant des auteurs tels que Simplicius, Ignace de Loyola, Juste Lipse, Guillaume du Vair, Montaigne, Descartes, Spinoza, et bien d’autres. Bien plus, le stoïcisme connaît actuellement un réel regain d’intérêt : dans le monde anglophone tout d’abord, sous le nom de « Modern Stoicism », mais aussi dans le monde francophone, sous le nom de « Stoïcisme contemporain ».
Le stoïcisme comme mode de vie
Dès la fin du 20e siècle, quelques auteurs isolés, tels que Pierre Hadot, Michel Foucault, Martha Nussbaum et Julia Annas, se sont intéressés aux philosophes antiques et stoïciens en particulier, afin d’étudier et promouvoir la philosophie comme manière de vivre, l’importance du souci de soi, la dimension thérapeutique de la philosophie et la pertinence de l’éthique des vertus. Et aujourd’hui, dans ce premier quart du 21e siècle, l’influence de ces auteurs n’a jamais été aussi forte. Le succès académique et populaire du stoïcisme contemporain en est la preuve vivante.
Réactualiser la philosophie stoïcienne
Sur le plan académique, la publication de l’ouvrage de Lawrence Becker intitulé A new Stoicism en 1998 marque en quelque sorte la naissance du stoïcisme contemporain. L’auteur y développe une éthique stoïcienne adaptée aux découvertes actuelles des sciences et à la psychologie moderne. A la suite de Lawrence Becker, les tentatives de réhabiliter le stoïcisme se succèdent, et de nombreux auteurs défendent, aujourd’hui, le choix de vie stoïcien. En France, c’est le cas d’Estelle Godart, auteur de Ce qui dépend de moi, ou encore de Christelle Veillard, auteur de Les stoïciens. Une philosophie de l’exigence. En 2012, un groupe de recherche anglo-saxon, Modern Stoicism, décide de s’unir afin de montrer l’utilité, et en particulier le caractère thérapeutique du stoïcisme. Ce travail commun a pris la forme d’un blog (Stoicism Today), d’une semaine stoïcienne (Stoic week), et d’un événement réunissant chaque année, sur une journée, les personnes intéressées par la pratique du stoïcisme (Stoicon). Ce groupe de recherche réunit philosophes universitaires (Christopher Gill, John Sellars, William Irvine, Massimo Pigliucci, etc.) et psychothérapeutes (Tim Lebon, Donald Robertson, etc.). Après 8 années d’existence, ils défendent non seulement la dimension thérapeutique du stoïcisme, mais sa pertinence en tant que philosophie de vie, publiant de nombreux ouvrages allant dans ce sens et fondés sur la réactualisation des doctrines et des pratiques stoïciennes.
Une philosophie populaire
En dehors de l’université, l’intérêt actuel du stoïcisme est également frappant. Le succès d’un auteur comme Ryan Holiday, auteur de L’obstacle est le chemin et L’ego est l’ennemi, deux bestsellers traduits dans plusieurs langues, dont le français, reflète cet engouement populaire pour le stoïcisme. De même, plusieurs récits de vie exemplaires témoignent de la pertinence de cette philosophie antique : James Bond Stockdale (1923-2005), officier de l’US Navy durant la guerre du Vietnam, vécut en prison pendant sept ans, subissant tortures et humiliations. Il raconte dans son livre, Courage under fire: testing Epictetus’s doctrines in a laboratory of human behavior, comment il survécut à ces conditions de vie extrêmes grâce à la philosophie d’Epictète. De même, Pierre Haese, auteur de l’ouvrage Epictète en prison, paru en 2017, témoigne de l’aide apportée par la lecture des stoïciens lors de sa détention. Sam Sullivan, quant à lui, fut maire de Vancouver de 2005 à 2008. Tétraplégique à 19 ans, il explique avoir trouvé dans le stoïcisme la force de surmonter son handicap. En Suisse romande, le parcours d’Alexandre Jollien, qu’il raconte notamment dans l’Eloge de la faiblesse, est similaire, et s’inspire également de la sagesse stoïcienne.
Stoa Gallica: pour un stoïcisme contemporain
Dans le monde francophone, à l’image de Modern Stoicism, l’Association Stoa Gallica poursuit un projet semblable. Elle encourage l’étude et la réflexion sur le stoïcisme tel qu’il peut être vécu aujourd’hui. Afin de favoriser les échanges entre les personnes intéressées par l’étude et la pratique du stoïcisme contemporain, Stoa Gallica modère un groupe de discussion sur Facebook qui rassemble à ce jour plus de 1800 personnes. Largement influencés par la pensée de Pierre Hadot, et la conception de la philosophie comme mode de vie, les membres de ce groupe de recherche, universitaires ou non, sont issus de milieux divers et témoignent de l’intérêt actuel pour le stoïcisme comme manière de vivre.
Dans les collections de la BCUL
De plus en plus présente dans les études universitaires, la philosophie stoïcienne se distingue néanmoins par son ancrage populaire, et sa présence sur internet et les réseaux sociaux. Particulièrement utile en temps de crise, la philosophie stoïcienne offre des outils pour répondre au stress et aux craintes, pour garder notre faculté de juger intacte, pour rester serein malgré les incertitudes. Mais par-dessus tout, le stoïcisme offre un choix de vie cohérent, permettant de vivre en adéquation avec son discours et avec soi-même. Pas étonnant, dans ce cas, de voir fleurir les ouvrages sur le sujet, dont je vous propose un florilège dans cette sélection thématique.
Stoïcisme contemporain sur Renouvaud