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Sempé et le génie du presque rien

Peut-être avez-vous eu la chance d’admirer les œuvres de Jean-Jacques Sempé projetées sur les murs et façades de Genève (Un printemps avec Sempé, exposition organisée par la Société de Lecture de Genève) ? Par une nuit de pandémie, se voir offrir une lueur dans l’obscurité ambiante, n’était-ce pas là le signe d’un monde bientôt retrouvé ?

Évoquant l’album du dessinateur Sempé à New York, Marc Lecarpentier parle du «génie du presque rien». Sempé « sait d’un détail absolu donner la réalité de ce que pense un personnage… » . Chacun, jeune ou moins jeune, se souvient des dessins empreints de délicatesse et de tendresse du Petit Nicolas.

Né en 1932 à Pessac près de Bordeaux, Sempé connaît une enfance difficile. « J’ai eu une enfance pas drôle du tout. C’est sûrement pour ça que j’ai aimé les choses gaies » (Enfances). Il commence à dessiner vers l’âge de 12 ans, des dessins d’observations mais toujours humoristiques. Après une scolarité plutôt mauvaise, il déniche un travail de livreur chez un courtier en vins. Ses dessins sont publiés pour la première fois au début des années 1950 dans Sud Ouest sous le pseudonyme de DRO. Renvoyé de son poste de livreur pour son étourderie, il s’engage dans l’armée à Paris. Lors de ses permissions, il présente ses dessins dans des rédactions. C’est dans le journal belge Le Moustique que l’aventure du petit Nicolas débute. La rencontre avec René Goscinny, qui travaille dans ce même journal, donnera naissance en 1955 à la bande dessinée du Petit Nicolas. Repérés par les éditons Denoël, les deux compères publient en 1960 la première édition des célèbres aventures du Petit Nicolas.

En 1962, son premier recueil de dessins paraît sous le titre Rien n’est simple qui sera suivi par de nombreux albums – dont le dernier en date, Garder le cap – traduisant sa vision tendrement ironique de nos travers.

La longue carrière de Sempé connaîtra de nombreuses collaborations, notamment avec Paris-Match, L’Express, Le Nouvel observateur ou encore Télérama. Mais c’est en 1978 qu’il voit son rêve se réaliser : Le New Yorker lui accorde la première des 109 couvertures qu’il a dessinées depuis (RTS Culture Âgé de 84 ans, Sempé met fin à sa collaboration avec le New Yorker.)

Malgré son talent impressionnant, le dessinateur ne cesse de dire qu’il aurait «préféré être pianiste», comme son idole Duke Ellington. «Mais je n’ai pas eu la possibilité d’étudier la musique donc il valait mieux que je dessine». Sa prédilection se porte d’ailleurs sur son album Les Musiciens paru en 1979.

Ce créateur subtil se révèle être un artiste secret « Si subtil qu’il préfère passer inaperçu dans la rue, dans la vie : pour pouvoir mieux écouter, mieux observer. Autrement, une partie de la comédie humaine qu’il fait ressurgir dans ses dessins risquerait de lui échapper. Il ne serait plus libre. – Et qu’est-ce que le secret de l’humour, conclut-il, sinon la liberté ? » (Scriptorium L’Illustré, revue suisse 06/01/1966).

Dans ce contexte de pandémie qui s’éternise, l’humour bienveillant de Sempé nous offre une grande aire de liberté ! Rendez-vous à l’entrée de l’Agora du site Riponne pour vous plonger dans l’univers de ce dessinateur de génie (du 11 mai au 8 juin 2021).

Catherine, site Riponne

Remerciements à Jean-Jacques Sempé et à la Galerie Martine Gossieaux au 56, rue de l’Université, Paris 7e. www.galeriemartinegossieaux.com

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