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Archéologie au féminin

Archéologue, paléontologue, égyptologue, archéozoologue, paléopalynologue… Des termes neutres qui ne disent pas leur sexe !

Explorons la facette féminine de ces spécialités à travers une bibliographie non exhaustive de travaux de chercheuses qui déclinent aussi la science au féminin, pour poursuivre la réflexion induite par les deux expositions de l’UNIL, ArchéoSexisme et L’ASA 1980-2020: une histoire d’hommes et de femmes.

Pléthore de noms, depuis des archéologues célèbres comme Annette Laming-Emperaire, spécialiste de l’art pariétal ou Lilly Kahil, qui a créé le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC), en passant par des Suissesses qui ont fait avancé la cause archéologique dans leur canton comme la fribourgeoise Hanni Schwab, et ce sur toutes les périodes étudiées par des fouilles archéologiques, voilà ce que proposent les collections académiques dans une sélection d’ouvrages à découvrir à l’Unithèque du 1er au 23 novembre 2021.

Mais découvrez avant tout la place des femmes au sein de l’Institut d’archéologie et des sciences de l’antiquité (ASA) de l’Université de Lausanne à travers le texte d’une de ses assistantes diplômées…

Evelyne Barman Crotti


ASA 1980-2020 : une histoire d’hommes ET de femmes

En septembre 2021 fut inaugurée à l’Université de Lausanne l’exposition itinérante « Archéo-sexisme », à laquelle se sont associés certains membres de l’ASA (Archéologie et Sciences de l’Antiquité) dans le but de proposer une exposition retraçant l’histoire de l’Institut depuis sa création en 1982. Les informations collectées à cet égard comprennent aussi bien des chiffres sur la composition des corps intermédiaires et professoraux que des réflexions plus générales portant sur la place des femmes en Sciences de l’Antiquité et la visibilité accordée aux études genre. Ces recherches ont permis d’établir plusieurs constatations, qui ont été rendues accessibles au public dès le vernissage de l’exposition.

Hommes et femmes à l’ASA : analyse statistique

Plusieurs études différentes ont été menées : il s’agissait de collecter des données chiffrées sur le ratio femmes/hommes à l’ASA depuis la création de l’Institut, en prenant en compte la composition des corps estudiantins, intermédiaires et professoraux. D’autres enquêtes furent conduites en parallèle dans le cadre de l’archéologie, prenant en considération les spécificités propres à cette discipline. Les résultats ainsi recueillis furent analysés et confrontés aux témoignages de divers collaborateur·trice·s et alumni. Le constat semble assez clair : malgré une relative stabilité des chiffres entre le Bachelor, le Master et le Doctorat, les données enregistrent une nette décroissance du pourcentage de femmes actives dans le milieu académique après l’obtention du Doctorat. Ces chiffres, particulièrement visibles en archéologie, témoignent de plusieurs phénomènes : l’absence de postes de relèves, l’insuffisance de structures disponibles pour les familles avec enfant et le manque de perspectives professionnelles à long terme contraignent plusieurs hommes et femmes à interrompre leur parcours académique – trop précaire et incertain – pour assurer leur avenir. En archéologie, ces contraintes se mêlent à la difficulté, pour les femmes qui ont des enfants, d’effectuer des fouilles à l’étranger tout en veillant au bien-être de leur(s) enfant(s). Ainsi, nous sommes confronté·e·s au fameux phénomène du « tuyau percé » : d’abord majoritaires, les femmes se raréfient au fur et à mesure que les postes nécessitent un engagement prolongé. Mais attention aux conclusions hâtives : en dépit du manque de postes de relève (postes de maître assistant·e ou de premier·e assistant·e), certaines branches emploient un nombre élevé de femmes, en particulier en histoire ancienne et en latin. Ainsi, tout n’est pas noir ou blanc ! Des solutions restent à trouver, notamment en archéologie, où l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est tout particulièrement difficile à maintenir. Cependant les chiffres obtenus montrent une progression encourageante des mentalités et des moyens mis en œuvre pour conserver un ratio hommes/femmes équilibré.

Les études genre

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les études genre ne connurent pas un franc succès avant le XXIe siècle, loin de là ! Avant les années 2000, seuls quelques travaux portaient sur la place des femmes dans le monde antique, parmi lesquels figure notamment l’ouvrage Choruses of Young Women in Ancient Greece. Their Morphology, Religious Role, and Social Functions, rédigé en 1997 par l’helléniste Claude Calame. À la lumière des recherches effectuées dans le cadre de l’exposition, il apparaît que l’intérêt porté aux études genre à la fin des années 2000 fut avant tout le fruit des recherches de l’historienne Regula Frei-Stolba. Cette dernière inspira une nouvelle génération de chercheuses – parmi lesquelles figure l’actuelle professeure ordinaire Anne Bielman – qui à leur tour explorèrent ce champ d’étude. Les enseignements dispensés par ces antiquisantes, renforcés par les nombreuses publications qu’elles produisirent dans le domaine des études genre, permirent à la discipline d’histoire ancienne d’acquérir un quasi-monopole sur ces thématiques au sein de l’Institut. Ce phénomène de « mentorat » est donc particulièrement visible, et semble primordial dans le développement des recherches consacrées aux femmes.

Conclusion : des progrès réalisés, des progrès qu’il reste à réaliser…

L’exposition réalisée par l’ASA, en collaboration avec « Archéo-sexisme », relève les nombreuses difficultés qui subsistent au sein de l’Institut. Plusieurs chercheur·e·s doivent, après l’obtention de leur doctorat, faire face à de nombreux dilemmes qui les incitent pour la plupart abandonner la carrière académique au profit d’une stabilité familiale et professionnelle. Mais les chiffres recensés ces dernières années sont encourageants, et témoignent d’une réelle prise de conscience. Ainsi pouvons-nous espérer qu’à l’avenir les femmes pourront jouir d’une véritable égalité des chances, et que le phénomène dit du « tuyau percé » ne sera plus qu’un lointain souvenir…

Joséphine Bovay

Sélection Archéologie au féminin