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Parure encrée

Apanage des matelots, des soldats ou des marginaux, le tatouage aujourd’hui, qu’il soit un rite initiatique, un souvenir ou un signe distinctif, fait de plus en plus d’adeptes. Contrairement à ce qu’on pourrait croire le tatouage est loin d’être un phénomène de mode récent. Cet art ancestral est apparu sous différentes formes depuis l’époque de la préhistoire. En effet, les premiers signes de tatouage retrouvés sur des momies datent d’au moins 8000 ans av. J.-C. La plus connue n’est autre qu’Ötzi ! Il arborait des petits traits parallèles sur le bras, probablement pour leurs vertus considérées comme thérapeutiques.

Le tatouage a été pratiqué dans toutes les régions du monde par des peuples très différents, très éloignés les uns des autres et à toutes les époques. On peut partir du principe qu’au moment où l’Homme a commencé à peindre sur les murs et les objets pour décorer ces derniers et se les approprier, il a également commencé à peindre et à décorer son corps de façon permanente que ça soit par le tatouage ou la scarification.

Outre la beauté de certains tatouages et en fonction des cultures et traditions, se faire tatouer pouvait marquer le passage à l’âge adulte, l’appartenance à un groupe, à un rang social, à un métier ou même être lié à des pouvoirs spirituels. 

L’origine du mot vient de Polynésie : “tatau” qui veut dire marquer, dessiner ou encore frapper. Cette pratique ancestrale très importante pourrait remonter à 1300 ans av. J.-C. En Europe on redécouvre le tatouage au 18e siècle avec l’arrivée de James Cook et de son équipage à Tahiti. Plusieurs marins de Cook vont adopter la pratique et vont s’en servir pour inscrire sur leur peau les événements qui les ont marqués et dont ils sont fiers. 

Malheureusement dans certains cas, le corps pouvait devenir plus qu’un moyen d’expression collective ou intime, il pouvait même devenir un casier judiciaire et le tatouage permettait d’inscrire les délits d’un prévenu afin de voir s’il était ou non un récidiviste ou encore tout simplement pour marquer l’individu à vie d’un crime commis ou, du moins, dont il avait été reconnu coupable. Au Japon, le tatouage a même été interdit au 19e siècle jusqu’à la deuxième guerre mondiale. 

Le tatouage est pendant plusieurs années associé à l’image de la délinquance et du bas peuple. Il faut attendre la seconde moitié du 20e siècle pour qu’il revienne à la mode. Mais il n’est plus un rituel social, il est souvent réduit à un acte individuel. Plusieurs vedettes et artistes cautionnent la pratique pour en faire un phénomène à la mode. 

S’il n’existe pas de courant suisse a proprement parlé, beaucoup de tatoueurs helvétiques ont influencés cette discipline et sont devenus des figures emblématiques, tel que Félix Leu et son fils Filip. Après avoir bourlinguée dans le monde entier dans les années 60 et 70, la famille d’artistes décide de déposer leurs bagages en Suisse où est originaire, Félix Leu qui est également le beau-fils de Jean Tinguely.

Dans les années 80, Filip ouvre à Lausanne le mythique studio “The Leu Family’s Family Iron – Street Shop”. Au-delà du tatouage, c’est un esprit voyageur et libre que la famille veut transmettre dans leurs œuvres. Qu’elles soient couchées sur papier, peintes sur une toile ou encrées dans la peau.

Pour rendre hommage à cette famille unique, le Musée Tinguely leur a ouvert deux espaces jusqu’au 31 octobre 2021.

Et jusqu’au 1er novembre, la BCU site Riponne vous propose une sélection de documents hauts en couleur afin de découvrir ou de redécouvrir un art injustement mal apprécié. Après tout, puisque les street artists revendiquent la rue comme support de création, les tatoueurs peuvent bien revendiquer le corps humain. Y’a-t-il support plus beau ?

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