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Fuir : geste de survie ou dérobade ?

Qui n’a jamais eu envie de fuir ? De quitter une pièce trop bruyante, un quotidien trop lourd, une vie trop bien réglée ? La fuite, si souvent perçue comme un acte de lâcheté, peut pourtant être une réponse profondément humaine à ce qui nous oppresse. Elle mérite, peut-être, d’être relue à la lumière de la pensée.

La psychologue Marie-France Hirigoyen, connue pour ses travaux sur le harcèlement moral, évoque la fuite comme une stratégie de protection : face à une situation toxique, l’évitement peut être salvateur. Quitter un environnement destructeur, s’éloigner de ce qui nous abîme, c’est parfois le premier pas vers une reconstruction intérieure. Fuir, dans ce cas, n’est pas renoncer : c’est choisir de se préserver.

Mais il y a aussi une autre forme de fuite, plus insidieuse. Celle que l’on opère en soi-même, en détournant le regard de nos blessures, en fuyant le silence, l’ennui, ou même l’introspection. Le philosophe Blaise Pascal écrivait : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » Fuir devient alors une manière d’éviter la confrontation avec ce que nous portons en nous. Dans une époque saturée de distractions, il est si simple d’échapper à soi.

Mais faut-il pour autant condamner la fuite ? Elle peut aussi être une quête déguisée, une façon de chercher ailleurs ce qui nous manque ici. Le voyage, le rêve, l’imaginaire – autant de formes de fuite qui nous reconnectent à une part essentielle de nous-mêmes. Simone Weil, dans ses écrits, évoquait le désir d’ailleurs non pas comme une faiblesse, mais comme une aspiration spirituelle, un appel vers quelque chose de plus vaste.

La fuite n’est donc pas toujours une fin. Elle peut être un passage, une transition, un élan. Ce qui compte, peut-être, ce n’est pas tant l’acte de fuir, mais ce que nous espérons trouver de l’autre côté.

Une sélection à retrouver à la BCUL site Riponne du 8 avril au 5 mai 2025.

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