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Des notes pleines d’images (3/5) : Le pouvoir du Leitmotiv

Dans l’article précédent consacré à la musique descriptive utilisée dans le cinéma, nous avons appris qu’un petit motif musical à lui seul peut raconter ou suggérer un personnage, une idée, un souvenir, un sentiment, un destin. Mais comment ?

Grâce à un procédé hérité du romantisme lyrique : le Leitmotiv, le « motif conducteur ». Ce motif, cette phrase musicale qui revient à plusieurs reprises, transformée selon les contextes, devient un code musical chargé de sens.

Carl Maria von Weber a été l’un des premiers compositeurs à utiliser largement le Leitmotiv. Mais le compositeur le plus souvent associé à cette technique est Richard Wagner. Dans ses opéras, il en a fait un véritable art en conduisant ce principe à son apogée. Dans son cycle Der Ring des Nibelungen (1849-1876), pas moins de 74 Leitmotive sont utilisés et variés en permanence pour représenter des personnages, des situations, des lieux et des idées même (l’amour, la destinée, le pouvoir, la trahison…). De nombreux thèmes sont également répétés tout au long du cycle, formant ainsi un élément unificateur.

Ces Leitmotive évoluent, se tordent, s’enrichissent, se transforment au fil de l’histoire. Le thème du héros peut, par exemple, s’assombrir s’il doute, celui de l’amour se teinter de douleur après une perte. La musique raconte ce que les mots ne peuvent pas toujours dire, ce qui se cache derrière les apparences. Et l’utilisation de différents Leitmotive liés, par exemple, à différents personnages, permet d’amalgamer une œuvre en un tout cohérent. Ceci aide le compositeur à raconter une histoire sans utiliser de mots.

Le Leitmotiv est alors bien plus qu’un repère sonore : il est un outil de narration, un code émotionnel, une mémoire musicale. Grâce à lui, la musique devient une voix intérieure, un écho de l’inconscient.

Opéra Nationale de Paris : Les Leitmotive du Ring de Wagner : La chevauchée des Walkyries

L’utilisation du Leitmotiv, même si pas au sens wagnérien strict, se retrouve également dans des genres musicaux autres que la musique classique. Parmi les utilisateurs, on peut citer Frank Zappa dans le double album Uncle Meat, les Who dans les « opéras rock » Tommy et Quadrophenia, les Pink Floyd dans plusieurs albums dont The Wall, The Dark Side of the Moon et The Final Cut et encore Billie Eilish sur son dernier album Hit Me Hard et Soft. On découvre des motifs sonores et musicaux récurrents et des références thématiques à l’intérieur d’un même album ou entre différents morceaux qui s’apparentent à une utilisation moderne et souple du Leitmotiv.

Pink Floyd, The Wall, le motif « Another Brick in the Wall » apparaît à plusieurs reprises (Part 1, 2 et 3), chaque fois adapté à une étape différente du récit : enfance, école, désespoir adulte.

Mais que se passe-t-il quand ce n’est plus un simple motif qui raconte, qui évoque, mais une œuvre entière ? Quand tout un orchestre déploie un paysage, une légende, un drame intérieur ? Découvrez-le dans le prochain article, le 10 novembre 2025 : Des notes pleines d’images (4/5) : L’orchestre comme récit.

A voir et à écouter : dans la plateforme Medici.tv :  Le leitmotiv chez Wagner

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