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RUINES

Expositions et projets de recherche à Paris et à Genève, beaux livres, textes littéraires : les RUINES sont à l’honneur à la Bibliothèque cantonale universitaire de Lausanne, site Unithèque. Suivant la déclinaison aléatoire de ce billet consacré aux RUINES, commençons notre odyssée par quelques souvenirs littéraires…

Du côté de la littérature

Joachim Du Bellay

Joachim Du Bellay (1522-1560) nous ramène de son voyage italien, de 1553 à 1557, un recueil de sonnets, Les Antiquités de Rome: méditation sur les ruines, admiration pour la grandeur latine mais aussi mélancolie devant l’anéantissement de la Rome antique jalonnent l’ouvrage.

« Nouveau venu qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’apperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.
Voy quel orgueil, quelle ruine, et comme
Celle qui mist le monde sous ses lois
Pour donter tout, se donta quelquefois,
Et devint proye au temps qui tout consomme. »

Les Antiquités de Rome, 1558, extrait

Chateaubriand

François-René de Chateaubriand (1768-1848), quant à lui, effectue son premier voyage en Italie entre mai 1803 et janvier 1804. La péninsule est une destination de prestige dès le XVIIe siècle, et ce séjour, véritable quête romantique et culturelle pour le plaisir du pittoresque, lui inspire Voyage en Italie. La vision de la beauté que nous fait découvrir l’auteur est marquée du signe du déclin : elle est l’évocation d’un temps qui disparaît, se dissout… en ruines.

« Un fragment détaché tout à coup de la voûte de la Bibliothèque a roulé à mes pieds, comme je passais : un peu de poussière s’est élevée, quelques plantes ont été déchirées et entraînées dans sa chute. Les plantes renaîtront demain ; le bruit et la poussière se sont dissipées à l’instant : voilà ce nouveau débris couché pour des siècles auprès de ceux qui paraissaient l’attendre. Les empires se plongent de la sorte dans l’éternité où ils gisent silencieux. »

Voyage en Italie, 1827, extrait

Stendhal

Henri Beyle (1783-1842), connu sous le pseudonyme de Stendhal, est lui aussi un grand passionné de l’Italie. L’auteur écrit même un ouvrage intitulé Histoire de la peinture en Italie. Il voyage beaucoup dans le pays. Il est particulièrement bouleversé par sa visite du Colisée, à Rome, qui lui inspira les mots suivants, initiation à la beauté et quête du plaisir de voir et de ressentir :

« Rome, 17 août. — Que de matinées heureuses j’ai passées au Colysée, perdu dans quelque coin de ces ruines immenses […] Ce gazouillement paisible des oiseaux, qui retentit faiblement dans ce vaste édifice, et de temps à autre, le profond silence qui lui succède, aident sans doute l’imagination à s’envoler dans les temps anciens. On arrive aux plus vives jouissances que la mémoire puisse procurer ! »

Promenades dans Rome, 1829, extrait

Du côté des expositions

En 2020, deux expositions de photographies évoquent les RUINES : celles, physiques, qui jalonnent le pourtour de la Méditerranée.

Koudelka

A Paris, à la Bibliothèque nationale de France (BnF), se tient jusqu’au 16 décembre une exposition intitulée Josef Koudelka. Ruines. Italie, Grèce, Turquie, Syrie et Algérie figurent parmi les 19 pays à découvrir à travers la lentille du photographe tchèque. Son œuvre nous dévoile « la beauté chaotique des ruines, vestiges de monuments transformés par le temps, la nature, la main de l’homme et les désastres de l’Histoire ». La BnF nous offre, en parallèle, un billet de blog et une Gallicarte nous invitant à un voyage virtuel.

Boissonnas

A Genève, le Musée Rath accueille une exposition intitulée Fred Boissonnas et la Méditerranée. Une odyssée photographique, du 25 septembre 2020 au 31 janvier 2021. « A la recherche de la lumière, de la Grande Grèce et de l’Égypte indépendante, des lieux homériques et des paysages bibliques », le photographe genevois nous convie lui aussi à un beau voyage. En effet, la photographie de paysage a fait la célébrité de Fred Boissonnas (1858-1946). Consultez également la Bibliothèque numérique de Genève pour découvrir toutes les facettes de son œuvre.

Du côté des Universités

Si l’Université peut se pencher elle aussi sur la poétique des RUINES en littérature par exemple, il est des domaines où les RUINES sont un objet d’études à part entière : l’archéologie et la géographie.

Paris Sorbonne

A Paris, un séminaire de recherche consacré aux liens entre archéologie et photographies tente de définir un nouveau champ disciplinaire de l’archéologie contemporaine : les archives photographiques. Divers sites sont étudiés ou présentés, tels le sanctuaire d’Apollon à Délos (Grèce) à travers des reconstitutions numériques et en 3D, ainsi que le site d’Ebolie (Campanie, Italie). En ce qui concerne Suse (Irak), les illustrations des méthodes de fouilles et la vie quotidienne des missions archéologiques sont également présentées. Finalement, d’importants sites français comme Alise Sainte Reine (Alésia) ou Arcy-sur-Cure (grotte paléolithique) complètent ce tableau de la recherche actuelle.

Université de Genève

A l’Université de Genève, un projet financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) se penche lui aussi sur la photographie dans le domaine de l’Antiquité : Ulysse. Réimaginer la Méditerranée : du mythe à photographie. S’intéressant notamment de très près au voyage de Fred Boissonnas et Victor Bérard sur les pas d’Ulysse en 1912, ce projet a un volet public, l’exposition du Musée Rath présentée également dans ce billet. Mais plus qu’une confrontation « texte – paysage », cette recherche nous interroge également sur la notion d’imaginaire géographique, sur les modalités du rapport possible entre géographie et fiction, enfin sur l’histoire de la géographie et de ses méthodes.

Du côté de la Bibliothèque cantonale universitaire Lausanne

Si je ne devais retenir que trois titres parmi tous les ouvrages sélectionnés sur le sujet des RUINES (et de l’Antiquité – ma collection), je mentionnerais les catalogues des expositions de Koudelka et Boissonnas, cités plus haut, ainsi qu’une histoire des ruines d’Alain Schnapp, tous les trois publiés cette année.

La Réserve précieuse de la BCULausanne contient quelques trésors et de nombreux ouvrages proposés dans notre sélection y sont conservés : ils sont à consulter sur place ! Vous y trouverez les publications de Fred Boissonnas, En Grèce par monts et par vaux (1910) et L’Epire, berceau des Grecs (1920), notamment.

Si l’ouvrage de William Gell, Vues des ruines de Pompeï (1827), fait également partie des ouvrages précieux, il est également consultable en ligne, grâce au projet de numérisation auquel participe la BCULausanne. Pour la petite histoire, des dessins non-publiés de Pompéi de William Gell ont été récemment identifiés et publiés dans un ouvrage que vous trouverez également dans nos rayons. Les ouvrages sélectionnés sur les RUINES font aussi la part belle à l’histoire de l’art et à de grands noms comme Louis-François Cassas, Piranèse et Hubert Robert.

Si les RUINES peuvent paraître un sujet « chagrin », retenons au moins la poésie qu’elles stimulent chez certains, leur beauté esthétique évoquée par d’autres, et tâchons de construire sur les vestiges de l’annus horribilis 2020 un avenir inspirant.

Evelyne Barman Crotti, site Unithèque

RUINES sur Renouvaud