Bouche à oreilles – hiver 2024-2025

Lorsqu’un document interpelle, bouscule, amuse, transporte ou transforme, nos bibliothécaires aiment le partager avec vous. Ce partage se fait à travers les « Bouche-à-oreilles », des signets placés dans les documents disponibles dans nos différents sites.
Nous en avons sélectionné quelques-uns ci-dessous pour vous donner envie.
Lorrain Voisard
Ce qui frappe en premier lieu c’est la distance juste. Celle de l’auteur et de son expérience de travail aux abattoirs. Un exercice bien délicat quand on connait le poids culpabilisant de la société sur ces lieux. Il y a chez Lorrain Voisard quelque chose d’un peu cosmique, une sorte de grande boucle presque métaphysique entre les litres de sang, les poils de l’animal, ses déjections, la sueur de l’homme, la javel, les membres tranchés, les langues pendantes, les yeux arrachés, les lames enfoncées, le regard des animaux, leur bruit, celui des machines, l’odeur, l’odeur de mort qui ne vous quitte pas…
Le philosophe Michel Foucault appelait cela les « hétérotopies », des lieux qui répondent à d’autres réalités que celles de notre quotidien, des espaces autres. Un livre somptueux, sans jugement, une lumière virevoltante dans notre ciel bien ombrageux.
Chloé, site Riponne
Michiko Aoyama
Un jeudi saveur chocolat est un de ces romans qui emportent, font sourire, rire et pleurer, tout cela sur une seule page. Ce livre est composé de 12 tranches de vies qui s’entremêlent sur un rythme poétique. Le voyage démarre dans un charmant petit café lové sous les cerisiers en fleurs de Kyoto et nous emmène sous le soleil brûlant de Sydney. Le ton léger et inimitable de la littérature japonaise fait tout le charme de ce texte.
À dévorer sans retenue !
Amélie, site Riponne
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Maxime DesGranges
Quand la langue de la rue – ô combien belle, inventive, drôle et vulgaire – rencontre la langue de la magistrature – élégante mais quelque peu figée – cela donne un feu d’artifice de couleurs et de mots ! Une vraie symphonie, un plaisir exquis pour les oreilles ! Comme j’ai ri, ri à gorge déployée tout le long de ce livre…
Pour autant, il y a là un constat social bien cru et un clivage bien réel entre « ceux du bon côté et ceux du mauvais côté » de la barre. Malgré cela, l’auteur sélectionne avec délicatesse et tendresse ces bribes de tribunal de sorte que jamais nous ne nous trouvons à prendre parti ou en position de supériorité. Un ouvrage infiniment lumineux qui célèbre la vie dans sa drôlerie comme dans sa cruauté. Et que vive la langue !
Chloé, site Riponne
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Maryline Desbiolles
La mélodie de ce roman ne pourra que vous étonner tant les phrases semblent empreintes d’une musicalité sautillante. Ce sautillement, c’est peut-être celui de la foulée d’Emma, cette jeune femme qui court dans les paysages d’arrière-pays niçois. On pensera au film « la Solitude du coureur de fond » de Tony Richardson, avec pour constat social ici, non pas les désastres de la politique de Thatcher, mais la ghettoïsation des Harkis dans des baraquements français et l’héritage psycho-générationnel de la guerre d’Algérie. La jeune femme court, elle court, jusqu’à l’accident, jusqu’à la morsure, jusqu’à l’agrafe, jusqu’à l’immobilité. Un temps figé pour mieux relier le passé enfoui sous les terres calcaires de la Méditerranée.
Chloé, site Riponne
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Pascal Greco
Le photographe genevois Pascal Greco pose son regard sur un ensemble de logements sociaux datant des années 60 à Hong-Kong. Il est question ici d’architecture, d’urbanisme, de sociologie mais également de paysage avec un brin de romantisme (au sens du mouvement). Car entre le béton et le végétal, se noue parfois une véritable histoire d’amour… Interstices, surgissements, résistances, coulures, enveloppements, débordements, la nature s’emballe autour de cette cité folle, pour le plus grand réjouissement du lecteur. Ce livre est une vraie balade, et j’espère que votre imaginaire virevoltera autant que le mien dans ces allées vides et sur ces façades vertigineuses… Intéressant, intriguant et fascinant !
Chloé, site Riponne
Julien Gracq
Les choses sont toujours bien plus que ce qu’elles sont. C’est peut-être une des pistes de ce très court roman de Julien Gracq, grand penseur du paysage et ancien surréaliste. La maison n’est pas une apparition et pourtant elle est obsédante, sensuelle et contemplative, presque fantasmée. Le temps d’un égarement en forêt et non sans une certaine inquiétude, suivez le narrateur dans ce long chant bien étrange vers cet obscur objet du désir… la maison vous attend !
Chloé, site Riponne
Catherine Safonoff
Lire Catherine Safonoff c’est faire l’expérience d’une langue unique, d’une perception du monde autre. L’écrivaine genevoise me rappelle à bien des égards Violette Leduc ou encore Monique Saint-Hélier. Ces trois femmes ont en commun d’être en marge de leur vie. Il y a quelque chose qui résiste et qui s’invente en permanence dans leur langage. Écrire relève d’un souffle, d’une respiration nécessaire, parfois violente. J’ai pensé aussi à la fin. Peut-être que « la Fortune » sera le dernier livre de Safonoff, âgée de 85 ans. Sans militantisme ni bons sentiments, elle nous donne à lire une écrivaine vieillissante, malade, vivant les dernières années de sa vie. Une boucle d’écriture jaillit dans les pages de ce livre, puissante et délicate, nous offrant une valse entre l’avant et le maintenant. La vie est une œuvre, jusqu’au bout la littérature…
Chloé, site Riponne
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Andrew Haigh
C’est accompagnée par le magnifique titre “The Power of love” du groupe britannique Frankie Goes to Hollywood, que je me retrouve bouche bée sur mon canapé, assommée par la claque cinématographique que je viens de recevoir. Andrew Haigh nous offre un récit intime où réalité et fantaisie se confondent. Une exploration bouleversante de l’amour, du deuil et des souvenirs, sublimée par les performances magistrales des acteurs Andrew Scott et Paul Mescal. Sans jamais nous connaître est une œuvre qui hante et touche en plein cœur nous rappelant la fragilité des relations humaines et l’importance de saisir l’éphémère. Une seule envie me reste : l’oublier pour revivre cette claque inattendue.
Lea, site Riponne
Anne Gastinel et Claire Désert
Nul besoin d’être amateur de musique classique pour se laisser envoûter par cet « Arpeggione » de Schubert. Alors que l’automne s’installe, le son mat et chaud du violoncelle d’Anne Gastinel vous drapera d’une certaine mélancolie lumineuse. C’est aussi l’élégance viennoise du XIXème siècle qui semble s’inviter dans votre salon, un vrai voyage dans le temps… Du baume au cœur avant d’entrer dans les jours froids… Merci Schubert !
Chloé, site Riponne
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